"C'est l'histoire d'un grand castor, ♫
Qui profite que le grand loup d'or, ♫
Ne soit pas chez luiiiiiiiiiiiiii, ♫
Pour voler son argent et ses sucreries!♫"
Le grand lion laissa échapper un soupir en ne daignant pas de lever les yeux vers sa maîtresse. Celle-ci, chevauchant sur son dos et s'accrochant à sa crinière de feu, se balançait dans tous les sens en chantant joyeusement. Pauvre de lui, et pauvres des passants : la demoiselle avait quitté Poodle Island pour venir ici, prenant le même bateau qu'une famille dont les seize enfants avaient pour habitude de passer leur temps en chantant. Mairenn avait donc appris de nouvelles comptines, différentes des chants guerriers de son île, et n'arrêtait plus de les répéter telle une grosse gamine. Bien sûr, comme toute femme ayant grandi dans la violence totale pour devenir gladiatrice, elle avait modifié certaines paroles pour que ce soit plus sombre, plus gore. Normalement, à la fin de la chanson, le castor s'en tirait tranquillement chez lui sans avoir de pépins avec le loup mais dans la version de l'Aïossienne, il en était tout autrement ; le pauvre rongeur se faisait retrouver par le canidé qui l'éventrait pour le remplir de sucreries et le manger par la suite. Elle trouvait donc la fin plus amusante même si les gens semblaient être plus apeurés par son chant morbide dont le supplice du grignoteur de bois sonnait comme un éloge de la violence qu'heureux d'entendre sa jolie voix. Soudainement, Arköm s'arrêta et se posa sur son arrière train, laissant ainsi glisser la demoiselle jusqu'au sol.
"Oh pardon, j'avais oublié la "mission". Désolée mon minouu!"
Elle posa ses deux mains gantées sur son félin avant de lui faire un câlin et de le caresser. Elle avait ouïe dire que sur cette île se trouvait un pirate qui se prénommait Bill et selon quelques rumeurs il aurait déjà fait équipe avec quelques autres criminels. L'espoir qu'il avait déjà travaillé avec celui qui avait osé s'attaquer à Aïos et enlevé son père adoptif. Malheureusement pour elle, le fait qu'elle ne pouvait pas voir les visages était un grand handicap. Certes elle avait réussi avec beaucoup de mal à avoir un objet que Bill avait perdu lors de l'un de ses derniers combats mais ce n'était pas pour autant qu'elle pouvait se tromper à cause des nombreuses mains posées sur la casquette. Elle se mit aussitôt à le renifler en fermant les yeux afin de se concentrer. Si on pouvait comparer l'odeur du gaillard à un parfum, ce serait sans à celui de premier prix, vendu par de malhonnêtes personnes qui auraient simplement mélangés du savon à la fraise à de l'eau, tout ça mêlé à la transpiration d'un bœuf. Elle fit la grimace.
"Beurk! dit-elle à son compagnon. Il a une odeur répugnante. Mais bon, ça va être facile à le retrouver celui-là!"
Mairenn lui adressa un clin d’œil avant de poser une main sur la fourrure de l'animal et fermer les yeux. Elle leva le nez pour se mettre à renifler l'air, tout en marchant. Son odorat semblable à celui d'un chien l'aiderait dans sa tâche, comme à son habitude. Elle sentait les regards des sans-visages lambdas se poser sur elle mais elle ne fit mine de rien : si elle se faisait déconcentrer sans doute Bill aurait-il le temps de fuir avant qu'elle n'arrive à retrouver sa piste. Les deux amis se mirent à parcourir ainsi les rues, l'odeur de l'abominable pirate se faisant de plus en plus forte avant que soudainement Arköm ne se mette à grogner. La chasseuse de primes s'arrêta brusquement en même temps que le félin et s'étonna que ce dernier ne s'assied.
"Oh bah dis donc! On flemmarde mon gros?"
Elle se mit à faire des gratouilles au grand félin en souriant avant de remarquer la présence d'une femme qui, comme toutes les autres, n'avait aucun visage. Ni nez, ni yeux, ni bouche, sa tête n'était qu'une boule avec deux oreilles encadrée par de longs cheveux noirs. Cette inconnue lui adressa la parole pour lui demander si elle était ici pour Bill. Une autre chasseuse de primes? Super! A moins qu'elle ne soit de la marine... Ah non, avec sa tenue elle n'en avait pas l'air. La gladiatrice afficha un grand sourire avant de s'approcher de son interlocutrice.
"Ouiiii, je suis là pour lui! J'ai besoin de le retrouver afin d'obtenir quelques informations. Vous savez où il est? Mais dites-moi, qu'êtes-vous ? Une autre chasseuse? Haaaan, c'est génial ! Vous êtes la première collègue que je croise! Venez dans mes bras que je vous salue convenablement!"
Et sans aucune gêne, elle la prit dans ses bras pour lui faire un énorme câlin avait de l'embrasser à plusieurs reprises sur les joues comme le ferait une mère qui aurait retrouvé sa fille portée disparue depuis longtemps. Enfin, la gladiatrice posa son bras sur son épaule en arborant un air taquin :
"A moins que ce ne soit votre petit-ami et que vous essayez de le protéger."
Elle se mordit la lèvre inférieure pour étouffer un petit cri aiguë d'excitation puis lui tapa sur l'épaule.
"Coquine!"
Mairenn alla rejoindre Arköm pour le caresser de nouveau.
"Si c'est le cas ne m'en veuillez pas mais j'ai pour principe de ne pas frapper les femmes."
Il fallait dire aussi qu'elle avait longtemps été comme un homme et qu'elle avait prit quelques habitudes masculines. Certes les femmes n'avaient aucune valeur sur Aïos mais toutefois on apprenait la courtoisie. Autrement dit, Mairenn avait appris bien des choses comme se lever pour laisser la place à une gente demoiselle, à se débarrasser de son manteau ou de passer la porte qu'après elle. Et là, si cette inconnue souhaitait défendre son petit-ami, elle aurait bien du mal à se battre contre elle puisqu'elle était... une femme.