Rainbow City était une merveilleuse ville, il fallait bien l’avouer. Certes elle n’était pas grande, pas aussi impressionnante qu’Aïos, mais Mairenn la préférait à d’autres. Elle commençait à peine à voyager, à découvrir de nouveaux horizons, mais pour l’instant elle n’avait vu que très peu de nouvelles îles et découverts aussi de nouvelles coutumes. Elle se sentait très dépaysée. Les lieux étaient plaisants à voir, les bâtiments en bois et en pierres étaient peintes dans les couleurs de l’arc-en-ciel, pouvant arracher les rétines d’un daltonien. Les portes étaient immenses pour que même les géants puissent entrer dans les habitations et les magasins sans soucis, à condition de ne pas dépasser les trois mètres. Le sol des rues qui se trouvaient être larges n’était pas recouvert de dalles mais d’un étrange tapis de sable coloré. Il y avait des arbres par-ci par-là mais surtout dans les parcs dans lesquels de multitudes fleurs présentaient aux touristes leurs pétales. Pissenlits, roses, violettes, tous parfumaient l’air de leur douce odeur. Les lieux étaient magnifiques et les habitants étaient gentils, adorables. Malheureusement, ce qui dérangeait le plus la Dame au Lion était le climat de l’île. Certes il faisait chaud mais il faisait surtout humide à cause de la pluie qui tombait au moins les trois quarts de la journée. Le mariage entre l’eau et les rayons de la Grande Etoile donnait naissance à un arc-en-ciel dont une des extrémités était au milieu de la place. L’île natale de la jeune femme n’était pas comme ça : elle était chaude et il ne pleuvait que très rarement. Il pouvait bien passer des mois avant qu’il ne goutte quelques perles d’eau sur toute la cité. Non habituée à ce genre de climat, Mairenn se sentait mal dans son armure qui était trempée malgré le fait qu’elle portait une cape à capuche rouge achetée dans une boutique avoisinée à son hôtel.

Elle tenait dans l’une de ses mains une botte en cuir ; c’était là un objet laissé par un pirate qu’elle recherchait. La Marine la lui avait laissée après qu’elle les ait harcelés en leur demandant de lui donner un indice concernant les criminels qu’elle recherchait… .au bout de trois heures de pleurs, de rires, de blagues pourries et vannes vaseuses… Les pauvres soldats avaient cédé, préférant lui confier un objet pour quelques jours que de garder collée à eux une gladiatrice bien embêtante. Elle avait beau renifler la botte mais elle avait du mal à remonter la piste du gars. Celui-ci n’avait pas pu s’enfuir si facilement de Rainbow City en l’espace de quelques jours tout de même, surtout lorsque celui-ci avait réussi à cacher un soi-disant trésor volé à un bourgeois des lieux.

« Arköm tu ne sens rien ? »

Le gigantesque lion ne fit aucun mouvement de la tête pour lui répondre négativement. La gladiatrice se mordit la lèvre inférieure. C’était la première fois que son odorat ne lui servait pas à grand-chose, lui faisant souvent faux bond. A cause de la pluie tout sentait la terre mouillée, l’herbe trempée, et les nombreux végétaux présents ne l’aidaient en rien. Les citadins et les touristes mêlaient leur odeur à leurs vêtements gorgés d’eau. Elle maudissait secrètement ce temps et elle comprenait pourquoi son père et les autres habitants ne priaient pas les dieux des eaux et des pluies. Mais elle ne perdait pas espoir, elle savait qu’elle retrouverait cet homme qui répondait à un étrange nom. Cela faisait quand même deux jours qu’elle le traquait et peut-être que ses efforts porteront tôt ou tard ses fruits. Encourageant son compagnon de route à crinière et elle, Mairenn chantonnait tout en reniflant chaque personne qu’elle croisait en demandant à chacun s’ils n’avaient pas vu un fameux Justin Beaver mais tous lui répondaient que non ou alors préféraient retourner à leur vague occupation, la laissant en plan. Ceci dit, l’odeur de la botte était familière à la Dame au Lion. Elle l’avait déjà senti quelque part et elle ne savait pas où. Peut-être faisait-il parti des ravisseurs de son père ? Pourvu qu’il aille bien et qu’il soit sain et sauf lorsque je le retrouverai…. Soudainement elle passa à côté d’un grand homme, un type dont le parfum était semblable à celle laissée dans la chaussure. Elle se jeta précipitamment devant lui pour l’arrêter et Arköm se plaça derrière elle comme pour dire à l’inconnu « fais gaffe, ne joue pas ton malin avec elle ».

« Bonjour bonjour monseigneur ! Puis-je vous demander de rester ici, immobile, ne serait-ce que pour quelques secondes s’il-vous-plait ? »

Elle lui agrippa les vêtements et les renifla longtemps. Elle huma ensuite l’odeur de la botte pour finalement reproduire la même chose sur le tissu du gars. Elle laissa échapper un long soupir avant d’arborer un grand sourire et de lever les yeux sur le passant.

« Veuillez m’excuser sire. Votre odeur ressemble à celle de cette botte. Enfin je ne dis pas que vous puez mais plutôt que son propriétaire a quasiment le même parfum que vous. Si ça peut vous rassurer, vous sentez moins fort que cette botte. Oui monsieur. C’est une bonne nouvelle n’est-ce pas ? Après vous n’êtes pas obligé de me croire mais si vous voulez comparer votre odeur à celle de cet objet que voici je vous y autorise. »

Elle n’attendit pas la réponse du pauvre gars pour sortir l’avis de recherche du pirate qu’elle recherchait. Elle le lui tendit, espérant qu’il ne s’agissait pas réellement du propriétaire de la botte. Dans ce cas-là, autant bluffer un peu.

« Excusez-moi mais je cherche cet homme. C’est dur mais il a perdu sa botte. Ce serait quand même triste de perdre ceci. Puis aussi j’ai vu que sur l’affiche il avait plusieurs noms. Alors je ne sais pas si c’est le même homme mais j’aimerai bien demander à ce Justin Beaver une orthographe correcte de son patronyme. L’auriez-vous vu ? »

Quelque chose se mit aussitôt à virevolter pas loin d’eux avant de s’éloigner. Brandissant son doigt brusquement vers la créature elle s’écria :

« Oh ! Un oiseau-mouche ! C'est quand même bizarre que c'est complètement un oiseau et non un oiseau avec des ailes de mouche ou à l'inverse une mouche avec des ailes d'oiseaux.... Vous ne trouvez pas? »

"BORDEL DE !!!!"

L'être qui se retenait de jurer ainsi était notre nabot favori. La raison qui le faisait ainsi hurler ? Il avait appris par lettre qu'on lui refusait une prime pour un bandit attrapé car ce dernier n'avait pas été attrapé convenablement. C'était quoi encore ce bordel ? On pouvait pas juste geler les pirates pour les donner aux autorités ? Il notait dans son petit carnet noir que l'île où il était allé avait un notable pourri... Car maintenant qu'il y repensait, le mec avait parlé d'un pot de vin pour obtenir la prime des cibles... Tss...
Le colosse s'assit sur le rebord d'une fontaine, pour soupirer tout à son aise. Ouaip... La vie était pas réellement rose ces derniers temps... Entre les rencontres d'Amiral et d'Ashe... Des gens qui avaient un bon fond mais... Mais qui était contre sa Justice...

Gray était déprimé. Oh, il ne doutait pas de la justesse de sa cause, mais... Mais pourquoi des gens gentils sentaient le besoin de devenir des pirates ? Les pirates, ce n'étaient pas bien ! Si on les y forçaient, pourquoi on les primaient alors ? Ce n'était pas Juste non plus !

Alors le colosse se prenait la tête entre les mains, ayant une petite crise existentielle... Oubliant en l'espace d'un instant tout ce qu'il y avait autour de lui. Tout ce qu'il voulait c'était un peu de temps pour lui et une grosse peluche. Pourquoi la peluche ? Pour lui faire un câlin pardi ! C'était doux et rassurant ! Gray avait eu un paquet de peluche à l'époque, sur son île natale... Des cousus mains, avec une sale gueule relative, mais des peluches quand même.

Le bonhomme se leva. Bon. Il était déjà de sale humeur et il n'était pas en chasse. Bref... Il ne risquait rien à se prendre une bière dans la taverne la plus proche. Cela aurait au moins le mérite de le détendre. C'était chiant les problèmes existentielles ! Ça faisait mal à la tête !

Alors que le petit colosse marchait donc dans la rue, il se fit stopper net. Cela est déjà assez notable pour être remarquer ! En effet, stopper le colosse dans sa course n'est pas donné à tout le monde...
Surtout quand on était une jolie demoiselle avec...

"Oh la grosse peluche ! C'est une vraie vivante ?"

Le mec venait d'ignorer la madame qui s'était mise à le renifler en alternance avec une godasse. C'était pas un spectacle habituel, mais Gray semblait les attirer, les trucs étranges. Toutefois, la nana lui mit ensuite un avis de recherche sous le nez, avec un certain Justin Beaver à trouver... Tiens ?

"Ah ! Z'êtes aussi chasseuse de prime ? Gray... Excusez moi, mais je déprime un peu... Votre bonhomme ne me dit rien... Hum... "

Le colosse se mit à réfléchir très fort...

"Mais je peux essayer de vous aider dans vos recherches, à une condition."

Il pointa alors le gros lion.

"Je veux faire un câlin à la peluche géante vivante. Quand aux oiseaux mouches... Bof. J'ai déjà vu plus étrange."